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Le point médian est-il lisible pour toutes et tous ?

Ce point, qui sur mon clavier nécessite de faire (alt-maj-f) fait débat ces dernières années. Il permettrait une unification de différentes utilisations dans l'écriture inclusive tels le tiret, la parenthèse,... Des formes très anciennes et souvent assimilées par le lecteur. Tout d'abord rappelons ce qu'est l'écriture inclusive : "un ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes". Prenez simplement votre carte nationale d'identité et regardez juste devant votre date de naissance : né(e) le ...

Paris XVIIIe, rue Belliard | Jeanne Menjoulet


Pour éviter tout faux débat et petit procès en sorcellerie, très à la mode par les temps qui courent, lorsque j'écris, j'essaye, tout en restant lisible, de prendre en compte l’égalité dans mes formes d’écriture. Un peu comme Arlette avec son "travailleuses - travailleurs" ou De Gaulle avec son "françaises - français"et toujours dans cet ordre.

Je ne suis donc pas un opposant de l'écriture inclusive. Et, avant d'être en retraite, dans mon activité militante au quotidien, je n'ai pas attendu le point médian pour la pratiquer. Bref, je fais partie de celles et ceux qui écrivent ou parlent déjà inclusif comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir.


Petite digression ... un quotidien chamboulé

Cela fait maintenant plus de 3 ans que ma compagne et moi hébergeons une jeune femme de 28 ans. Petit bouleversement dans le train-train quotidien, dans nos habitudes mais nous n'avons pas hésité bien longtemps quand quelques jours après le cyclone Irma qui ravagea l'ile de St Martin, elle tenta de nous joindre pour savoir si nous pouvions l'accueillir. Un an auparavant elle avait perdu dans la même semaine et à 3 jours d’intervalle sa mère et sa grand mère. Pour celles et ceux qui me suivaient déjà sur Facebook , j'ai eu l'occasion d’écrire quelques publications à cette période.

Passons sur l'acclimatation, en premier lieu météorologique, sans oublier la ville, la foule, les transports,... Au fil des mois nous sentions bien que Julia avait une adaptation difficile que les seuls traumatismes ne pouvaient expliquer. Jusqu'au jour où nous allons apprendre qu'elle est diagnostiquée "dyslexique sévère".


Focus sur ce handicap

Nous nous sommes donc intéressés à ce trouble. Il se soigne partiellement mais il handicape fortement et souvent durant de très longues années. Notamment s'il n'a pas été détecté et traité jeune.

En résumé et en vrac, ça touche : des difficultés de lecture bien sûr, y compris à haute voix, mais aussi des difficultés à résumer une histoire, à apprendre des langues étrangères notamment l'anglais, à structurer et prioriser sa pensée, plus de temps pour assimiler, etc...

Cela provoque également des dommages collatéraux notamment en agissant sur la confiance en soi et l’estime de soi et plus largement la fatigue. La surcharge des tâches à réaliser tout au long d’une journée (lire, écrire, orthographier, écouter, comprendre…) provoque une fatigue cognitive. Cette consommation d’énergie n’est pas sans conséquences. Outre la fatigue cognitive, une fatigue physique s’installe. L’épuisement est alors tant intellectuel que physique.

En France, on estime que 8 % de la population est plus ou moins concernée par ces troubles.


Retour au point médian

Ces derniers mois, le débat a rebondi sur son utilisation. Bien entendu, celles et ceux opposés à l'écriture inclusive se sont engouffrés en surfant sur l’inquiétude des associations traitant du handicap. Pourtant, ces dernières ne sont, pour la plupart, pas opposées à l'écriture inclusive mais leur rôle est d'alerter sur les remontées du terrain. (cf. un peu comme je le fais dans cet article). Elles alertent sur les difficultés rencontrées si une généralisation poussée de l'écriture inclusive s'instaurait. Notre quotidien au côté de cette jeune femme dyslexique confirme que c'est un réel problème.


Quelles populations sont concernées ?

Les aveugles et mal voyants.

Et oui, on a beau ne rien voir, on peut lire soit en braille, soit avec l'aide de lecteurs d'écran qui ont du mal à s'adapter, pas seulement au point médian mais à toutes les formes (tiret, point du bas, parenthèses, etc... ). Des progrès sont en cours certes, mais pour cette population, tout changement perturbe fortement dans un monde qui n'est pas le notre.

Les dyslexiques.

Dans cette population, ce trouble peut se traduire sous différentes formes :

- des inversions de lettres, de syllabes, de certains mots (or/ro, cri/cir, on/no, bras/bar);

- des omissions (bar/ba, arbre/arbe);

- des adjonctions (paquet/parquet, odeur/ordeur, poltron/polteron, escapade/cascapade);

- des substitutions (chauffeur/faucheur);

- de la contamination (dorure/rorure, palier/papier);

- une lecture du texte lente, hésitante, saccadée avec un débit syllabique;

- une difficulté à saisir le découpage des mots en syllabes,

- une ignorance de la ponctuation.

Les trois derniers aspects sont directement impactés par certaines formes de l'écriture inclusive.

Les personnes souffrant d'un handicap cognitif

Une notion complexe que l'on utilise lorsque les difficultés observées entraînent un désavantage : troubles de la mémoire, troubles de l'attention, troubles des fonctions exécutives, troubles du langage,…

Les causes sont multiples : autisme, syndrome d’asperger, traumatisme crânien, accidents vasculaires cérébraux, Alzheimer, sclérose en plaques , maladie de Parkinson.

Pour ces populations, l'impact est varié en fonction de leur handicap.


En guise non pas de conclusion mais de constat

Des spécialistes travaillant sur l'accessibilité de la langue et notamment de la lecture considère que l’intégration d’un signe typographique comme le point médian au sein même des mots a un impact sur la qualité et la rapidité de lecture. Cette remarque est d'ailleurs juste que l'on ait un handicap ou non.

Sur le point médian précisément, les connaissances que nous avons en neurosciences permettent déjà de pressentir son impact sur la lecture pour tous les publics. Cependant, pour les publics ayant des difficultés de lecture, cela creuse davantage l’inégalité dans l’accès à l’information.

Sur cet aspect, je conseille la lecture de cet article « Ecriture inclusive et point médian : et si l’on causait science ? »


Si je devais résumé ma pensée :

Ecriture inclusive, OUI,

le point médian à toutes les sauces, BOF.


J'en profite également pour conseiller la lecture du blog de Pierre-Cécile sur Médiapart toujours sur ce sujet. Découpé en 9 chapitres, il offre un point de vue que je ne partage pas totalement mais le chapitre 7 en lien ci-dessous et intitulé "Une écriture exclusive ?" pose un débat qui devrait traverser plus largement le milieu militant qui fut le mien notamment à SUD-Solidaires et au NPA.



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